Environnement

Les Landes et la Gironde interpellent le Président de la République.

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Image d’illustration.

Jean-Luc Gleyze, président du Département de la Gironde et du Service Départemental d’Incendie et de Secours (SDIS33), et Xavier Fortinon, président du Département des Landes, interpellent Emmanuel Macron au sujet des incendies qui font encore rage en Gironde.

« Monsieur le Président de la République,

Depuis ce mardi 12 juillet, le doigt brûlant du changement climatique est venu se poser sur le plus grand massif forestier occidental, un des poumons de France. Ce sont près de 20.000 hectares de forêt qui ont brûlé et brûlent encore en Gironde et aux portes du département des Landes. C’est plus de la superficie de la ville de Paris qu’il manque désormais à la forêt des Landes de Gascogne. Si cela semble peu au regard de la surface totale du massif, il ne faut pas oublier qu’il reste toujours près d’un million d’hectares qui menacent d’être la proie des flammes. Nos deux départements sont d’ailleurs très régulièrement sujets à des départs de feux, et nous mesurons quotidiennement la fragilité et la vulnérabilité de cet espace forestier.

Ces brasiers préfigurent ceux à venir chaque été sur une large partie du territoire national, à l’image de ceux de Crête, d’Espagne, du Portugal et d’Italie si nous ne nous préparons pas à y faire face. Le rythme de ces incendies d’ampleur ne cesse d’ailleurs de s’accentuer depuis ces soixante dernières années en Gironde et dans les Landes : en 1949, 1976, 1989, 1990, 2003, 2016, 2017, 2021. Ce n’est pas là une exception, mais un phénomène qui s’inscrit dans notre quotidien et qui s’aggrave avec les effets du réchauffement climatique. Il représente un risque majeur pour les habitants, leurs infrastructures mais aussi l’environnement. Du Rhône à nos deux départements, se dessine une ligne sous laquelle la végétation est proche de la sécheresse depuis de longs mois, où les températures grimpent et où les étés débutent de plus en plus tôt et durent toujours plus longtemps.

Si comme nous l’avons vu lors de la crise sanitaire, la solidarité locale a pris le relais pour aider les sinistrés et les pompiers, nous ne mettrons pas un terme à ces brasiers avec une organisation de la Sécurité civile telle que nous la connaissons. Ces risques connus et croissants pointent avec urgence les questions de la prévention des incendies et de la stratégie d’intervention en matière de Sécurité civile. Ainsi, permettez-nous, par cette lettre ouverte, de vous alerter sur trois points autour du triptyque fonctionnement, équipement et coordination.

Les moyens dédiés au fonctionnement des Services Départementaux d’Incendie et de Secours (SDIS). Les incendies ont démontré les limites du modèle de financement des SDIS, dont les ressources relèvent essentiellement des Départements, des établissements de coopérations intercommunales et des communes. La loi DemoProx fonde les contributions de ces derniers sur leur population de 2002. Or, n’est-il pas absurde que l’assiette sur laquelle se fixe le financement des secours n’ait pas évolué en 20 ans ? En Gironde et dans les Landes, ce sont 380.000 habitants supplémentaires enregistrés depuis cette date. Une croissance qui s’est traduite par une progression fulgurante du nombre d’interventions de nos sapeurs-pompiers, qui s’élève à 187 000 interventions par an. Une révision de cette loi est impérative, à l’aune de la croissance démographique, de la hausse des interventions et des menaces, pour permettre aux territoires de disposer de moyens calibrés. Il en va du modèle de protection civile français, de la sécurité des femmes et des hommes qui servent nos populations et de la qualité du maillage territorial de nos centres de secours.

Le renforcement de la force aérienne nationale de la Sécurité civile. Il est une règle dans l’intervention des pompiers : celle du « feu naissant ». Comme une personne victime d’une crise cardiaque doit être secourue dans les premières minutes, un incendie se doit d’être repéré et traité dès qu’il apparaît. Pour ce faire, la protection aérienne, composée des Canadairs et des Dash, s’avère cruciale. Leur rôle a été indispensable pour mettre un terme à la centaine de départs de feu qui se sont déclarés, notamment dans les Landes, en simultanéité avec les incendies de La Teste et de Landiras. Mais nous ne disposons en France que de douze Canadairs, sollicités de part et d’autre du territoire national et européen en fonction des besoins. Outre l’amélioration des conditions de travail des pilotes, des techniciens et des agents de piste, nous devons aussi assurer leur présence sur une partie plus large du territoire. Si chaque été, des moyens aériens sont prépositionnés en Corse, force est de constater que le temps des autorisations et l’éloignement des appareils ne sont pas compatibles avec la temporalité d’incendies. Il faut donc envisager une flotte plus conséquente, et une répartition territoriale adaptée. Un dispositif avancé dans le Sud-Ouest permettrait de protéger le massif forestier de résineux le plus important d’Europe, et même d’intervenir par-delà les Pyrénées.

La coordination des forces nationales et européennes. Il faut élaborer une stratégie de lutte contre les incendies à trois échelles. Interdépartementale, d’une part, en partenariat avec l’État, les collectivités et les acteurs impliqués, afin d’établir une stratégie de décentralisation des moyens aériens sensible aux réalités des massifs forestiers locaux, qui passe notamment par la mutualisation des moyens des SDIS. Nationale, d’autre part, avec le renforcement de la flotte aérienne de la Sécurité civile. Européenne, enfin, particulièrement par l’augmentation de la dotation allouée au mécanisme européen de protection civile (MEPC) qui permet l’entraide entre États membres de l’Union européenne, et plus particulièrement en développant notre coopération avec l’Espagne, le Portugal ou la Grèce qui connaissent, eux aussi, des incendies d’ampleur.

Ces trois points doivent être traités simultanément pour apporter une réponse efficace et cohérente, c’est-à-dire améliorer la prévention, la préparation et la réaction aux catastrophes qui s’annoncent toujours plus graves. Ainsi, avec l’insistance des circonstances, nous en appelons aujourd’hui à une initiative de l’Etat pour un Plan national de résilience contre le risque incendiaire.

C’est l’histoire des incendies en France que réécrivent ces deux sinistres majeurs dont le retentissement est national. Monsieur le Président de la République, ils nous obligent à être toutes et tous être au rendez-vous. C’est, d’une part, en tant que président du département de la Gironde et en tant que président de son SDIS et, d’autre part, en tant que président du département des Landes que nous vous écrivons. Mais c’est avant tout en tant qu’enfants de cette forêt à laquelle les Françaises et les Français peuvent désormais s’identifier : celles des Landes de Gascogne. »

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